Sleepin'
" Tu crois que les gens changent ?
- Je dois me sentir visé, hein... "
L'allégresse des premiers jours s'estompe peu à peu, je le sens. Je crois que cette nuit a joué énormément dans mon état d'esprit d'aujourd'hui. Parce que je n'ai pas eu de nouvelles, je me suis inventé les miennes.
" Tu vois, tu sers plus à rien : au revoir, Nate. "
Mon cœur morfle un peu plus chaque jour qui passe. En bien, en mal : peu importe, je le sens encore un peu plus faibli à chaque coup que j'essuie.
C', était déjà au courant de ce qui se passait. Je lui en parlais déjà, avant qu'elle ne revienne. Elle a posé le doigt là où ça fait mal.
" C'est pas aux autres que tu mens, Na'. Mais plutôt à toi-même, je crois... "
Non, t'as raison. Je le sais bien, je ne serais jamais rentré dans une telle colère autrement, cet après-midi. C'était sur une de ses vidéos, à Lui. Et... j'ai cru la reconnaître.
Tu ne te rends pas compte des centaines de nuances de sentiments qu'une âme peut ressentir en à peine une fraction de seconde. Je crois que la mienne a traversé toutes les teintes possibles et imaginables de la haine, de l'aversion.
Comme un doigt qui effleure chaque touche d'un piano,
Comme chaque note qui s'en dégagerait.
Un texto de T'. Me demander si j'étais libre demain soir. J'en sais rien, je sais pas encore si je voudrais l'être, libre.
J'essaie de voir les choses autrement. Me dire que c'est peut-être la seule issue qu'il me reste aujourd'hui. L', là-bas.
Les jours passent.
Les jours passent. Je n'en ai pris conscience que le jour où après être revenu, après avoir vu l'hésitation, le doute et la colère... Je l'ai revue avec un autre.
Malgré tous les mots, tous les sentiments qui se sont échangés... J'ai du mal. Ce n'est pas ma confiance en moi, mais celle que je peux accorder aux autres, qui a été ébranlée.
Ça, et la distance que je m'impose aujourd'hui.
Encore une semaine. Et un mois, puis deux.
Une nouvelle étape symbolique, sans réelle incidence sur ce que je suis vraiment.
Moi, et ma vingtième année qui s'amorce.
Moi, et C' qui m'attend.
Moi, et l'Autre qui me hante.
Je n'ai plus peur, mais... mais j'ai mal. Ces mots, les miens, tout ce que je peux dire... C'est qu'un tas de conneries. Ça n'a jamais tenu la route dans ma propre vie, alors comment je peux persuader les autres que ça marchera ?
" Tu trouveras quelqu'un d'autre, et tu te diras que, enfin, ça vaut le coup. "
Un mois s'est écoulé. Un peu plus même. Je crois que celui-ci a été le théâtre de nouvelles expérimentations, voir qui je pouvais être, qui je pouvais incarner.
Voir même qui j'étais réellement, au final. Ça ne m'a pas fait aussi peur que je le pensais, j'y ai peut-être même pris plaisir.
Mais je crois aussi, et surtout, que je cherchais davantage à tourner la page plutôt que d'en écrire une nouvelle. Et c'est ce qui m'a fait défaut. Je n'ai pas su faire, j'ai voulu réécrire par dessus, comme je l'ai fait dans le passé : sans succès.
" Tu sais tout : je suis pas fiable. Je suis désolé, L' !"
On parle ici d'une intensité de relation bien plus différente que de par le passé. J'ai essayé de l'ignorer, puis de l'effacer. Et j'ai décidé il y a peu de la reprendre en mains, à défaut de ne pouvoir l'oublier.
" Ça serait sympa' que tu viennes avec nous deux un de ces 4, mademoiselle Nate. "
Tu sais ce que j'ai pensé, quand je l'ai entendue ? Que le sort jouait contre Lui, que j'allais vraiment détruire son monde malgré moi. Qu'après ça, il aurait toutes les raisons de me haïr, que je ne lui en voudrais même pas.
" Et tu comptes faire quoi, alors ?
- Je sais pas. J'aimerais bien voir, essayer... Tu me connais. "
J'ai décidé d'ouvrir de nouvelles parenthèses, ce soir. Voir ce que je mettrai dedans, voir si ça vaut le coup de se pencher sur la question.
Voir ce que le monde a encore à m'offrir.
(Voir ce que moi, je peux encore lui offrir.)
"Vas-y mec, déconne pas ! En plus j'ai même pas mis de déo'... Quoi ça sert à rien ?"
