Qu'est-ce que...


Comme tous les jours, de plus en plus fréquemment, je rentrais dans ma chambre en balançant mon sac dans le coin de la pièce.
Mais aujourd'hui c'était différent, la surprise avait pris le dessus sur le réflexe.

- Mais qu'est-ce que...
- Qu'est-ce que je fais là ?

La fenêtre était grande ouverte, un courant d'air avait fermé la porte tandis que le claquement résonnait encore dans le couloir.

- Comment c'est possible, il n'y a personne d'autre ici...
- Tu n'es pas content de me voir ?

A vrai dire, je n'étais pas seulement content. Je crois que j'avais simplement besoin de la voir.
J'avais tellement de choses à lui dire, elle était partie sans même que je n'ai pu lui glisser un mot.
Sans même que je n'ai pu lui dire au revoir.

- Tu... tu m'as manquée.
- Je sais. Tu m'en veux ?

Oui, d'une certaine façon je lui en avais voulu d'être partie si vite. Je lui en avais voulu de m'avoir laissé seul, de m'avoir abandonné...
Mais je n'aurais jamais eu le courage de lui dire, surtout pas maintenant. Je ne voulais même pas comprendre comment c'était possible. Tout ce que je savais, c'est qu'elle était là, maintenant.

- Je voulais voir comment tu allais depuis la dernière fois.
- C'est pas toujours facile, mais je m'en sors.
- C'est pas l'impression que tu m'as donnée.

A quoi bon lui mentir, déjà à l'époque elle savait lire en moi comme dans un livre ouvert.
Ce jour là je m'étais effondré. La nouvelle m'avait anéanti. C'était allé si vite.

- Tu ne vas pas rester, hein.
- Non, en effet.

La vérité, c'est que je ne m'en étais jamais totalement remis. Chaque jour qui passait je retournais voir ce mur, où elles étaient gravées, nos initiales.
On avait pris l'habitude de retracer  assez souvent celles de l'autre pour ne pas qu'elles s'effacent.
Je continuais à renouveler les siennes le plus souvent possible, tandis que les miennes s'estompaient avec le temps.

- Je vais devoir y aller...
- Je te reverrais ?
- Je ne pense pas. Désolée...

Ses mots résonnaient dans ma tête. Ils me rappelaient trop ce souvenir que j'avais enfoui au plus profond de moi-même. Elle était repartie sans un mot, comme la dernière fois.


Je relevais les yeux du sol. La fenêtre était fermée, la porte ouverte.
Ça ne devait être qu'un rêve... c'était tellement bon de la revoir, même si ce n'était qu'à partir de fragments de mes souvenirs. J'étais content de savoir qu'ils étaient restés plus ou moins intacts, même si sa voix s'était plutôt affaiblie.

Je réalisais que je tenais alors une feuille de brouillon pliée en quatre dans ma main. Quelques mots étaient griffonnés à la va-vite. L'écriture n'était pas la mienne.

- Quoi qu'il arrive, je serais là maintenant. -
- A te surveiller, du coin de l'oeil, il est temps que tu te reprennes en main, Na' ! -


Ce soir je suis retourné à ce fameux mur.
Il a été repeint depuis. Les initiales ?
Elles sont toujours là.